Origine du nom

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Autrefois paroisse, aujourd'hui commune, Les Nouillers est une bourgade du canton de Saint-Savinien, en Charente-Maritime. Mais pourquoi « Les Nouillers » ? L'origine de ce nom se perd dans l'Antiquité, preuve que le lieu est connu de l'homme, et même habité et exploité de longue date. Les noms de lieux comme celui-ci sont, pour la plupart, issus de mots régionaux aujourd'hui tombés en désuétude. Plusieurs hypothèses ont été avancées quant à l'origine de celui de la commune.

Les légendes

La première en attribuerait l'origine aux Santons, peuple gaulois habitant les terres qui allaient devenir la province de Saintonge. En effet le mot gaulois nou ou noué désigne un lieu arrosé, ce qui pourrait s'expliquer par l'abondance des cours d'eau des environs[1]. Les Nouillers sont bordés par la Boutonne au nord, affluent de la Charente ; celle-ci serpente à quelques kilomètres au sud, le long de Saint-Savinien. Le Gouttemer, petit ruisseau qui prend sa source chez Cartier, serpente à travers le bourg pour se verser dans la Boutonne. À l'est, le Vivier dessine la frontière entre les Nouillers et Voissay, lui aussi se perdant dans la Boutonne.

Une seconde hypothèse situerait l'origine du nom sous la domination du Bas-Empire romain. Plusieurs auteurs situent aux Nouillers la maison de campagne de Decimus Magnus Ausonius, dit Ausone, rhéteur et précepteur de l'empereur Gratien. Ausone est surtout connu pour être un érudit gallo-romain, ayant laissé à la postérité une vingtaine de livres, recueils de poésies et de correspondances. Par « maison de campagne », il faut comprendre tout un domaine agricole, où ses serviteurs cultivent les champs et la vigne, acheminant son vin à Saintes sur des chars traînés par des chevaux. Voici l'une des descriptions que fait Ausone de son Pagus Noverus au cours de ses échanges épistolaires avec son ami Paulin de Nole résidant à Saragosse :

« Ter juga Burdigalae, trino me flumina caetu secernunt turbis popularibus : otiaque inter vitiferi exercent colles, laetumque colonis uber agri, tum prata virentia, tum nemus umbris mobilibus, celebrique frequens ecclesia vico : Totque mea in Novero sibi proxima praedia pago, dispositis totum vicibus variata per annum : Egelidae ut tepeant hyemes, rabidosque per aestus adspirent tenues frigus subtile aquilones. »

Voici la traduction que l'en fait l'abbé Jaubert[2] :

« Séparé du peuple de Bordeaux au moyen de trois montagnes et des lits de trois fleuves[note 1], les vignobles de mes collines, la fertilité de mes champs si agréables au laboureur, la verdure de mes prairies, l'ombre mobile de mes forêts, la compagnie nombreuse d'un bourg très peuplé, occupent tout mon loisir. Toutes mes métairies, qui se touchent dans le canton de Novero, sont tellement variées, pendant les différentes saisons de l'année, que les hivers y sont un peu chauds, et que dans les grandes chaleurs les zéphyrs y font ressentir une fraîcheur un peu vive. »

En latin, pagus désigne une bourgade, un district rural semblable au canton actuel, voir un pays, comme dans Pago Santonico, la Saintonge. Noverus correspond à une « ferme nouvelle ».

Dans ses notes, l'abbé Jaubert indique même que l'on voyait encore en 1769 aux Nouillers une maison que les anciens prétendaient avoir été celle d'Ausone. Bien que des recherches plus récentes remettent en doute la localisation de la villa d'Ausone aux Nouillers, et qu'aucune étude archéologique sur la commune ne soit parvenue à étayer cette hypothèse, la tradition associera sans doute pour longtemps encore à la commune des Nouillers ce qui n'est possiblement qu'une légende.

Étymologie et évolution du nom

Une explication beaucoup plus probable se base sur une colonisation du site par des paysans gallo-romains. Au Moyen-Âge, la paroisse s'appelle Novelarii ou Novellarii. On en retrouve la trace en 1272 dans les lettres d'abandon d'Aymeric Guibert au maire et à la commune de Saint-Jean-d'Angély[3]. Le nom apparait encore un demi-siècle plus tard dans les comptes de l'archipresbytère de Taillebourg, pour la levée de subsides du pape Jean XXII[4]. On retrouve un peu plus tard, en 1529, une déformation en Novalarii dans une notice des évêques et des bénéfices à la nomination de l'évêque de Saintes[5]. Ces différentes versions découlent du latin novale, terre nouvellement défrichée et mise en culture, et novalis, jachère que l'on laisse reposer un an[6]. C'est ainsi que les gallo-romains désignent les terres conquises sur l'antique forêt qui recouvre l'essentiel de la région, et sur lesquelles se créent généralement un village d'agriculteurs.

Le nom de la paroisse se francisera par la suite en Noveliers ou Novelières[note 2][7][8]. Ces termes sont de la famille de novel, vieux français des adjectifs nouvel, nouveau.

Les Nouillers sous l'Empire romain

Avant d'aborder l'histoire même des Nouillers, il est nécessaire de la resituer dans le contexte de l'époque. La géographie du pays des Santons est très différente de celle de la Saintonge contemporaine. L'océan Atlantique pénètre beaucoup plus profondément dans les terres. Le marais de la Petite Flandre, qui ne sera asséché qu'au XVIIe siècle par des ingénieurs hollandais spécialistes en poldérisation, n'est encore que le Golfe de Saintonge, s'avançant jusqu'à Muron. Moragne est alors un port de commerce. La partie occidentale du département est principalement immergé ; les quelques terres émergées forment un archipel, entre Thairé et Corme-Royal à l'est et l'île d'Oléron (Uliarius) à l'ouest. L'essentiel des terres émergées sont boisées, et le site actuel des Nouillers est recouvert d'un épaisse forêt giboyeuse, où pullulent les sangliers et les cerfs.

Estimation de la situation des Nouillers dans la Gaule gallo-romaine. Les principales cités de la région sont Muron (Muro) au nord, Saintes (Mediolanum Santonum) au sud, et Aulnay (Aunedonnacum) à l’est. Reproduction de la carte de l’abbé Lacurie[9].

À une vingtaine de kilomètres plus au sud, Saintes, ou plutôt Mediolanum Santonum, est une riche cité ayant acquis une importance économique et politique considérable. En l'an 16 avant notre ère, sous le règne d'Auguste, elle devient la première capitale de la province d'Aquitaine et se pare de magnifiques monuments au cours des deux siècles suivants.

Superposition d'une vue satellite des marais de Rochefort et d'une carte altimétrique. L'essentiel des régions de couleur turquoise étaient immergées, laissant deviner le vaste estuaire de la Charente, où se jetait la Boutonne.

La Boutonne, qui se jette quasiment dans l'estuaire de la Charente, porte alors le nom de Vultonna : il découle de la racine hydronymique celtique vol-, suffixée de -onna. En gaulois, voleo signifie « se baigner », tandis que onna désigne une source ou un cours d'eau[note 3]. Jusqu'à une époque assez récente on prononçait d'ailleurs « Voutonne » en Saintonge.

Selon Lesson[10], une voie romaine passait non loin des Nouillers :

Proche Tonnay-Boutonne passait une voie romaine qui n'est indiquée par aucun auteur pas même par M. Lacurie qui a fait un travail spécial sur les routes romaines de la Saintonge. Cette voie devait venir d'Archingeay ou des Nouillers, passer au pied du burgus, longer la hauteur du Puy-du-Lac et se rendre au port de Moragne, sur le bord de l'Océan, tandis qu'un embranchement devait gagner Muron par Genouillé.

Le plus probable est qu'elle reliait Saintes au port de Moragne via Archingeay. Cette dernière abritait une source médicinale très réputée chez les Gallo-Romains. À son sujet, Lesson écrit :

Le nom d'Archingeay est emprunté aux langues celtique et latine car il vient d'arc, lieu habité, cinctus, entouré et geay, forêts. C'était un vicus gaulois ayant une tombelle au lieu encore nommé aujourd'hui la Motte, et qui, au temps de l'occupation romaine, devint un bourg très fréquenté. La vieille société Gallo-Romaine s'y rendait comme on le fait aujourd'hui pour les eaux médicinales de Vichy et de Bagnères, car les eaux minérales d'Archingeay, jouissaient d'une grande célébrité. Les désoeuvrés y affluaient comme les malades ; les premiers pour y recevoir des émotions et des jouissances, les autres dans l'espoir d'y rétablir leur santé.

Ainsi, Archingeay était entouré de forêts, et la bonne société saintaise s'y rendait en cure pour les vertus de ses sources. Des sources dont les propriétés, selon les analyses modernes, présentaient des similitudes avec celles de Contrexeville et Saint-Amand. Il est alors raisonnable de penser que toute cette effervescence a poussé les paysans de la région à gagner des terres toujours plus à l'est, et défricher les terres de Novelarii, notamment le long de la Boutonne.

Notes

  1. Ce pourrait être la Charente, la Dordogne et la Garonne.
  2. D'autres noms de lieux ont suivi la même évolution. On peut citer La Novelère en 1361 et La Nouhelière en 1558, aujourd'hui toutes deux La Naulière, respectivement des commune d'Allonne et de Pompaire dans les Deux-Sèvres. Comme pour Novelarii-les Nouillers, on y constate un amuïssement de la consonne labiale derrière le « O » et de la voyelle prétonique interne.
  3. La même construction a donné son nom à la Vologne, dans les Vosges, et à la Voutonne, un affluent de la Sarthe.

Références

  1. Améric-Jean-Marie Gautier. Dictionnaire des communes de Charente-Maritime. Les chemins de la mémoire, novembre 2004.
  2. Pierre Jaubert. Œuvres d'Ausone traduites en françois. Tome 4. Delalain, Paris, 1769.
  3. Société des archives historiques de la Saintonge et d’Aunis, éditeur. Archives historiques de la Saintonge et d’Aunis, volume 24, registres de l’échevinage de Saint-Jean d’Angély. A. Picard et Z. Mortreuil, Paris, Saintes, 1895.
  4. Société des archives historiques de la Saintonge et d’Aunis, éditeur. Archives historiques de la Saintonge et d’Aunis, volume 45. A. Picard et J. Prévost, Paris, Saintes, 1914.
  5. Cholet (abbé) : Études historiques, géographiques, archéologiques sur l’ancien diocèse de Saintes. Z. Drouineau, La Rochelle, 1864.
  6. Félix Gaffiot. Dictionnaire latin-français. Hachette, 1934.
  7. Jacques Duguet. L’origine du nom des Nouillers. Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort, 1(2):36–37, mars-décembre 1958.
  8. Bélisaire Ledain. Dictionnaire topographique du département des Deux-Sèvres. A. Dupont, Poitiers, 1802.
  9. Auguste Lacurie. Carte du pays des Santones sous les Romains. Imp. lith. de Charpentier, Nantes.
  10. René-Primevère Lesson. Histoire, archéologie et légendes des Marches de la Saintonge. Henry Loustau et Cie, Rochefort, 1845.