Pendant la Première Guerre mondiale

Les drames familiaux

Au-delà des évidentes répercutions démographiques et économiques, ce sont autant de drames qui ont endeuillé les familles. Le destin aura été particulièrement cruel avec certaines d’entre elles.

Famille Guesdon

Les frères Guesdon, Louis (à gauche) et Maxime (à droite). Tués à l’ennemi à trois jours d’intervalle, et à quelques centaines de mètres l'un de l’autre, au cours de la bataille de Verdun.

Les frères Guesdon en sont certainement l’une des illustrations les plus marquantes. Fils d’Adolphe et Léonie Rocher, tous deux sont mobilisés dès les premiers jours suivant l’ordre de mobilisation générale. Louis est affecté au 123ème régiment d’infanterie de La Rochelle, tandis que Maxime rejoint la 1ère compagnie de mitrailleuses du 249ème régiment d’infanterie de Bayonne. Hasard des réorganisations, les deux unités sont regroupées en juillet 1915 au sein de la 69ème brigade d’infanterie, 35ème division. Ainsi et pendant dix mois, les deux frères font la guerre presque côte à côte, seulement séparés de quelques tranchées et boyaux. Le savent-ils ?

Positions du 123ème d’infanterie début mai 1916.

Et c’est côte à côte qu’ils sont plongés dans l’enfer de Verdun. Le 8 mai, leurs régiments sont en première ligne, au pied du fort de Douaumont. Le 123ème d’infanterie tente un assaut pour enlever les tranchées allemandes, qui se solde globalement par un échec face à la résistance de nids de mitrailleuses ennemies. André Forget est fauché au cours de l’opération ; il avait épousé Denise André aux Nouillers le 20 mars 1916 au cours de sa précédente permission, et la laisse veuve au bout d’à peine deux mois de mariage. Le 10 mai 1916, le 123ème poursuit son effort et avance pied à pied dans les boyaux allemands. Louis Truaud trouve la mort au cours de la journée. Le lendemain, le régiment défend au fusil, à la grenade, et à défaut à la baïonnette la vingtaine de mètres gagnés la veille. Louis Guesdon est emporté par un obus, sans doute allemand, peut-être français, au cours des duels d’artillerie. Ce jour là, le chef de corps conclut ainsi dans son journal :

« En résumé le 123e a fourni encore cette nuit l’effort qui lui a été demandé et il a accompli sa tâche dans les conditions prescrites. Tous, officiers et soldats, sont sur la brèche depuis le 3 mai ; ils ont rivalisé d’ardeur et malgré les lourdes pertes et la disparition des cadres, ils conservent un moral très élevé. Le chef de corps croit devoir signaler que son régiment est fatigué et est arrivé à peu près à la limite de l’effort qui peut lui être demandé. »

Positions du 249ème RI au lendemain de la mort de Maxime Guesdon.

Trois jours plus tard, le 14, Maxime Guesdon est mortellement touché et l’un de ses camarades blessé alors que sa section consolidait ses positions défensives. En l’espace d’une semaine, quatre Novélariens tombent à Douaumont.

Famille Guindet

Autre exemple des aberrations de la guerre, cette fois vue de l’arrière, le cas de Nathalie Guindet. Elle est fille de Gustave et Anasthasie Marsais, cultivateurs aux Houillères, et sœur de Gaston. Elle rencontre Daniel Penaud, un natif de La Benâte ; le couple convole en justes noces le 6 octobre 1913, à peine 10 mois avant la déclaration des hostilités. Les festivités sont de courte durée pour son frère Gaston qui, quatre jours plus tard, part faire son service militaire au 114ème régiment d’infanterie de Saint-Maixent. Pour trois ans, en principe. Celui-ci s’était vu ajourné une première fois en raison de sa médiocre condition physique. Daniel s’installe chez les Guindet, au cours des mois suivants il travaille à la ferme ; ses bras sont les bienvenus pour remplacer ceux de Gaston sous les drapeaux.

Puis la guerre éclate. Gaston est des premiers combats. Daniel, pourtant affaibli par une pleurésie double, est mobilisé, classé service auxiliaire. En mai 1915, Gaston est muté au 61ème régiment d’infanterie territoriale ; il a 23 ans, mais rejoint une unité dont la moyenne d’âge est comprise entre 34 et 39 ans. Les « pépères » comme on les surnomme, qui creusent les tranchées que les régiments d’active, plus jeunes, doivent tenir. Ils essuient de temps à autres les tirs de l’artillerie allemande, mais l’essentiel de leurs activités sont en retrait du front. Renversement de situation en janvier 1916 : alors que l’Armée épuise ses ressources en hommes, Gaston est versé dans un corps d’élite, au 31ème bataillon de chasseurs à pied. Il connaît le pire avec les « diables bleus », enchaînant les batailles de Verdun, de la Somme, et du Chemin des Dames. Épuisé, malade, il meurt de méningite au cours d’une permission de quelques jours dans sa famille.

Plaque de la chapelle funéraire de la famille Guindet, au cimetière des Nouillers.

Daniel, dont la santé est encore plus précaire, est dispensé de service armé à deux reprises. Il quitte néanmoins sa femme et sa belle-famille pour être incorporé fin septembre 1914. De leurs adieux naîtra neuf mois plus tard la petite Annette, le 3 juin 1915. Daniel est notamment affecté à la surveillance des prisonniers allemands qui cultivent la betterave à sucre pour la distillerie du Magnou, à Forges d’Aunis. Malgré ce traitement de faveur, en comparaison de celui de ses camarades d’infortune, son état de santé ne cesse de se dégrader. Réformé le 22 août 1918 pour tuberculose pulmonaire, il se retire aux Houillères. Il y décède le 31 mars 1919. Ainsi en l’espace de deux ans, Nathalie Guindet perd son frère et son époux, rentrés au Nouillers pour y mourir, tout en s’occupant de leur jeune fille. Son père meurt en 1927. Elle s’éteint à son tour le 31 octobre 1929, dans sa trente-quatrième année[note 1], suivie de sa mère deux ans plus tard, en 1931. La jeune Annette Penaud, âgée de 16 ans à peine, aura perdu ses parents, grands-parents et oncle.

Notes

  1. Bien que sa plaque funéraire indique une naissance en 1896, Nathalie Guindet est née le 29 novembre 1895 aux Houillères.